"Après cette exploration du siècle, je me sens (un peu) moins bête."

 

Étienne Gendrin, auteur de 100 ans et toujours prêts !, nous livre quelques secrets de fabrication : curiosité, humour, mais aussi rigueur pour ne pas perdre les informations essentielles du texte mis en images.

Comment as-tu fait pour convertir un épais ouvrage historique, très documenté, en un récit graphique drôle et dynamique ? À quelles difficultés as-tu fait face ?
J’ai travaillé avec en tête un double enjeu : d’abord essayer de faire un livre dynamique, drôle (si possible), rapide à lire et avec des surprises pour le lecteur ; ensuite ne pas trahir l’esprit du texte de Charles-Édouard et ne pas perdre trop d’informations essentielles. Le livre que j’adaptais faisait 240 pages, écrit petit, truffé d’anecdotes et de détails historiques. Je termine avec une BD de 120 pages. Il a fallu que je résume les pages du livre, adaptées en une ou deux phrases. Ça n’a pas toujours été évident ! Mais je crois que je m’en suis sorti et qu’on arrive à suivre l’histoire.
Pour ses détails et sa finesse, lisez donc le livre de Charles-Édouard : L’aventure par nature.

Pourquoi était-ce important pour toi de proposer une vision graphique de l’histoire des SGDF ?
C’était surtout un pari, cette mise en image, comme à chaque fois que l’on passe d’un texte à l’image, ou que l’on veut rendre visible une réalité passée. J’ai dû me documenter beaucoup, mais j’ai été bien chaperonné par Corinne Desmettre des archives SGDF. Et puis j’ai farfouillé sur Scoutopedia, l’encyclopédie scoute en ligne, et sur le site du réseau Baden-Powell. Beaucoup d’idées me sont venues grâce à ces précieuses mines d’information. Il a aussi fallu donner un visage cartoonesque à des personnages existants, ce qui m’a donné du fil à retordre. J’espère qu’on les reconnaît un peu et surtout qu’on les suit bien de case en case.

Quel est ton personnage historique préféré dans le livre ? Si tu pouvais croiser l’un d’entre eux aujourd’hui, que voudrais-tu lui dire ?
J’aime bien dessiner Baden-Powell. Ça m’a rappelé des souvenirs, car il y a quelques années, je dessinais pour Azimut, une revue du mouvement, des petits strips avec Bipi et Olave. J’ai eu l’occasion de rencontrer par hasard aux Journées nationales au printemps 2022 un des personnages du livre : François Lebouteux. À cette période-là, j’étais justement en train de dessiner les pages le concernant. Je lui ai dit merci d’avoir inventé les pionniers (avec d’autres), parce que ça a été ma branche préférée en tant que jeune et comme responsable d’unité.

Quel est l’épisode qui a été le plus ardu à dessiner ? Quelles libertés as-tu prises dans ce récit ?
Les épisodes ardus à raconter étaient ceux où l’histoire des mouvements se crispe. Quand il y a de la réforme dans l’air. Je ne voulais pas trop caricaturer les uns ou les autres, les tenants de la tradition face aux réformistes. J’ai essayé de tenir cette ligne de crête pas évidente. Les lecteurs et lectrices jugeront ! Côté prise de libertés, je reconnais que j’ai parfois un peu « fumé la moquette » sur certains points, dans un but humoristique. Mais je crois que dans ces cas-là, l’exagération se sent et que l’on démêlera facilement le vrai du faux.

Tu dédies cet ouvrage à ta grand-mère, Monique Briant. Peux-tu nous en dire plus sur elle ? Quelle était son lien avec le scoutisme et le guidisme ? Et toi, quel est ton lien au mouvement SGDF ?
Ma grand-mère maternelle, Monique Briant est devenue guide en 1941, à Brive-la-Gaillarde. Elle a mis ses enfants chez les scouts et chez les guides, qui ont fait pareil avec leurs enfants. Mes enfants sont aux SGDF aujourd’hui. Bref tout ça c’est de la faute à Monique ! Comme elle est décédée en août dernier, je lui ai dédié cet album.

Comment te sens-tu, après cette traversée d’un siècle avec les Scouts de France et les Guides de France ? Fatigué, enthousiaste, confiant ?
Après cette exploration poussée du siècle, je me sens (un peu) moins bête, plus savant. L’histoire des scouts et des guides en France suit les aléas de l’histoire du pays et du monde. J’espère que mon livre saura transmettre de ce savoir. Au passage, j’ai été assez ébloui des trouvailles pédagogiques propres au scoutisme-guidisme, des conceptions datant parfois des années 1920, qui restent encore pertinentes aujourd’hui pour former la jeunesse, et quelle jeunesse ! D’autres idées ont été abandonnées en route et c’est heureux, le mouvement a su (ou a dû) souvent se réinventer. Et ce n’est pas fini. Viva !

Propos recueillis par Juliette Caussé